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Vivement demain

REFUGE

24 Mars 2017 , Rédigé par Marcel Dehem

 

 

Oh, encore !

Qu'est ce qui se passe mon chéri ! Tu es encore en train de râler.

Je n'arrive pas à me connecter au réseau. C'est la deuxième fois cette semaine... Ah, ça y est, ça marche !

Tu vois, pas la peine de t'énerver. Tu es toujours pressé !

Tu regardes avec moi le journal télévisé ?

Oh, non, ils racontent toujours des horreurs. Pendant que tu regardes ton journal, je vais aller discuter avec mes copines sur Facebook, ça me détendra ou plutôt, non, je vais aller faire une promenade avec Snoopy. Ça fait une demi-heure qu'il tourne en rond devant la porte d'entrée.Tu ne l'as pas remarqué, je suppose !

N'oublie pas le badge pour rentrer dans le crottoir. J'ai pas envie de voir notre compte bancaire directement débité d'une amende de cinquante euros comme le mois dernier.

Ah, tu n'oublies jamais rien toi mon chéri ! Et les cent euros qui ont été débités en mars, c'était de ma faute peut-être ?

Bon, on va pas passer en revue les erreurs commises soit par toi, soit par moi. Je m'occuperai de réceptionner la barquette de lasagnes que tu as commandé pour le repas de midi. Allez bonne promenade !

C'est ça, du balai, j'ai bien compris !

Qu'est-ce que tu peux être susceptible !

Avec toi, c'est pas difficile de l'être !

Trente ans de vie commune faisaient parfois surgir ces petites disputes sans gravité. Ils étaient l'un et l'autre habitués à ces joutes verbales. Ils y prenaient même un plaisir un peu pervers et leur chien Snoopy participait aussi en jappant joyeusement.

Cela mettait, comme on dit, un peu de sel dans leur vie calme et confortable de cadres administratifs retraités de la Fonction Publique Territoriale.

Leur statut leur avait permis de bénéficier dans les années 2020 de l'un des premiers appartement de standing dans l'opération immobilière Lorraine Ville Nouvelle, initiée et en partie financée par la Région.

La ville intelligente et hyper-connectée avait été édifiée sur le vaste espace agricole bordant la Seille à proximité des deux nœuds stratégiques de communication que constituaient l'aéroport et la gare TGV.

Les élus locaux l'avaient baptisée Lorraine Ville Nouvelle pour ne froisser ni les Messins, ni les Nancéiens.

Dans la décennie 2020, de nombreux projets de ce type avaient vu le jour, toujours sur des territoires jusque-là dédiés à l'agriculture pour pouvoir bâtir, sans les contraintes insurmontables de l'ancien, un ensemble de tours d'habitation et de services interconnectées où il faisait bon vivre.

On s'y sentait en sécurité et on bénéficiait de tous les services qui facilitaient la vie quotidienne. Portage des repas, réservation en ligne des voiturettes électriques pour aller faire un tour dans la campagne environnante, centre médical connecté à vos données métaboliques, plus de mille programmes TV en accès gratuit et tous les appartement étaient équipés d'une aspiration centralisée qui vous dispensait de sortir l'aspirateur.

Le réfrigérateur faisait les courses à votre place en se connectant à l'hypermarché et la livraison des produits était sécurisée grâce au sas réfrigéré dans lequel le livreur ― on n'était jamais trop prudent, les faux livreurs commettaient parfois des forfaits ― était obligé de déposer votre commande. Ou plutôt la commande de votre réfrigérateur.

Bref, la vie était douce pour ces deux retraités aisés.

 

 

Dans le centre de contrôle de Lorraine ville Nouvelle, les hommes et les femmes attachés à la surveillance des webcams chargées de traquer les défaillances toujours possibles des habitants se concentrèrent sur leurs écrans à l'entrée du chef.

Il prit la parole avec sa vigueur habituelle.

Audrey, pourquoi ne me signalez-vous pas les perturbations internet dans la résidence Austrasie ?

Je m'apprêtais à le faire Monsieur.

Vous avez opéré le diagnostic ?

Oui Monsieur, un mauvais contact au niveau fibre optique dans le sous-sol de l'immeuble.

Encore ces satanés rats. Prévenez l'équipe d'intervention. Il faut réparer d'urgence. C'est dans cet immeuble que réside le Président du Conseil Régional et un certain nombres de cadres administratifs.

C'est fait Monsieur. Je m'apprêtais à vous le signaler.

Très bien Audrey. Je n'ai pas envie d'être submergé de messages impatients de ces Messieurs.

Les rats pourrissaient la vie du chef. Depuis vingt ans que la ville était construite, les rats avaient progressivement pris possession des sous sols, des gaines par où passait toute la connectique des différents immeubles.

Les campagnes de dératisation faisaient reculer l'invasion pour quelques temps mais au bout de quelques mois, les rats causaient à nouveau des dégâts quasi-quotidien.

Il n'y avait pas que les rats qui pourrissaient la vie du chef. Il y avait les animaux sauvages qui en prenaient à leur aise dans les espaces verts de la cité.

Et si ça n'avait été que des lapins, ça n'aurait pas posé trop de problèmes. Tous les petits vieux qui habitaient ces résidences dorées avec leur toutou enrubanné s'émouvaient facilement devant les cabrioles d'un lapin dans les pelouse soigneusement entretenues mais il y avait aussi les sangliers qui faisaient de gros dégâts et même des loups qui avaient progressivement envahi la région depuis quarante ans maintenant.

Depuis qu'un loup avait attaqué le chien du Vice-président chargé de l'environnement, un tenant de la protection des espèces sauvages, ordre avait été donné de créer une équipe chargé d'abattre ces encombrants prédateurs qui faisaient peur aux résidents.

Le Vice-président avait accepté de mettre ses convictions écologiques au fond de sa poche, les élections régionales étant proches au moment des faits.

 

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